Phytocannabinoides

Les animaux se défendent des attaques microbiennes, parasitaires et virales avec un système immunitaire bien développé. Les plantes, quant à elles, n’ont pas de système immunitaire. Elles se protègent donc en sécrétant des métabolites secondaires¹ bien spécifiques qui peuvent être toxiques pour certains animaux, insectes, parasites et fongus présents dans leur environnement (Méchoulam et Hanus, 2004). Ces métabolites peuvent aussi avoir d’autres tâches telles que d’attirer certains pollinisateurs ou de participer à la sénescence² de la plante. Parmi ces molécules, on retrouve la famille des phytocannabinoïdes. Bien que l’on comprenne peu la présence de ces molécules dans le cannabis (Backes et al., 2017), de nombreuses études pourraient bientôt nous éclairer. Quoi qu’il en soit, ils ne sont certainement pas là pour plaire à Homo Sapiens.Plus de 150 phytocannabinoïdes ont été identifiés, mais la forte majorité est produite en si petite quantité que l’analyse en est difficile. Les recherches sur les principaux phytocannabinoïdes connaissent un essor considérable depuis la récente vague mondiale de légalisation et de décriminalisation du cannabis et de ses dérivés.

Comme mentionné dans le premier article sur le système endocannabinoïde, le corps produit ses propres molécules endocannabinoïdes. En revanche, les phytocannabinoïdes sont des métabolites produits par le cannabis sous forme d’acides carboxyliques³. Sous l’effet de la chaleur, de la lumière, en fumant, en vaporisant, en cuisinant ou même par l’effet du temps, ces acides phytocannabinoïdes sont converties à leur forme chimiquement neutre (Backes et al., 2017). C’est ainsi qu’en suivant un processus appelé décarboxylation⁴, on passe des formes acides THCA, CBDA, CBNA, CBCA, etc., aux formes de cannabinoïdes généralement connues, soit THC, CBD, CBN, CBC, etc. Suivant cette logique, le plant de cannabis ou le cannabis séché ne contient que très peu de THC à proprement parler, il contient un certain pourcentage de THCA en « attente » d’être converti en sa forme neutre psychoactive. D’où l’affichage pancanadien sur les contenants de cannabis séché qui expose le pourcentage de THC et de CBD actuel et total, ou décarboxylé. Bien que les formes acides de cannabinoïdes renferment très certainement des vertus thérapeutiques et médicinales, on fait surtout appel à leurs corollaires dépourvus des groupements carboxyles.

Les phytocannabinoïdes sont relativement non toxiques, ce qui fait en sorte qu’une dose létale serait vraisemblablement impossible à administrer chez l’humain (Backes et al., 2017). C’est d’ailleurs pourquoi il n’y a jamais eu de mort directement attribuable aux cannabinoïdes (Backes et al., 2017).

1 Les métabolites secondaires des plantes sont des composés chimiques synthétisés par les plantes, c’est-à-dire des composés photochimiques, qui assurent des fonctions non essentielles, de sorte que leur absence n’est pas létale pour l’organisme, contrairement aux métabolites primaires. Les métabolites secondaires sont impliqués dans des interactions écologiques entre la plante et son environnement.
2 Un processus physiologique qui entraîne une lente dégradation des fonctions de la cellule (notion spécifique de sénescence cellulaire) à l’origine du vieillissement des organismes.
3 Le terme acide carboxylique désigne une molécule comprenant un groupement carboxyle
4 La décarboxylation est une réaction chimique au cours de laquelle une molécule de dioxyde de carbone, CO2, est éliminée, généralement par chauffage, d’une molécule organique portant un groupement carboxyle

Bibliographie

Backes, M., Weil, A., McDue, J. D., (2017), « Cannabis Pharmacy: The Practical Guide to Marijuana », Black Dog & Leventhal Publishing.

Mechoulam, R., & Hanuš, L., (2004), « The cannabinoid system: From the point of view of a chemist » In D. Castle & R. Murray (Eds.), Marijuana and madness: Psychiatry and neurobiology, Cambridge University Press.